Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/267

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JEANNINE.

Si je la continue, je t’en montrerai peut-être des passages… ce qui pourra se montrer… (Mouvement d’Isabelle.) oh ! peut-être !… je ne promets pas… (Elle laisse tomber sa cigarette.) Oui, j’ai pensé écrire certaines choses… pour… pour quand je ne serai plus là… plus tard.

(Elle hoche la tête.)
ISABELLE.

Ne parle donc pas ainsi !… Quelle phraséologie de mauvais goût ! Tu parles comme les petites filles du Musée des familles !… (Isabelle glissant sur le canapé, tout contre Jeannine.) Tu ne veux pas me montrer ça tout de suite ? Tu ne peux pas aller me le chercher ?

JEANNINE, secouant la tête avec une froideur de reine.

Oh ! non, non ! C’est tout à fait impossible pour le moment !

(Silence.)
ISABELLE, lui entourant la taille, et à voix basse.

Alors, dis… tu l’aimes toujours fort ?

JEANNINE prend un air de grand mystère et laisse tomber, du bout des dents, à peine.

Oui.

ISABELLE, l’embrassant tout à coup.

Ch’tit bout, va !… Est-elle gentille tout de même !… Tu vois, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse !… Tu as raison de l’aimer : il le mérite… Et après ?

JEANNINE.

Oh ! mais tu me serres, tu me fais mal !… Je t’assure… je voudrais bien te faire plaisir, mais je ne sais quoi te dire !

ISABELLE, les yeux brillants, le visage avide.

Ce que tu penses, ce que tu fais… vos confidences de la journée… ce que tu dis à Georges… n’importe quoi… les détails les plus insignifiants.

JEANNINE.

Je cherche.

(Un sourire imperceptible passe sur ses lèvres.)