Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/27

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il n’est pas seulement un total logique, il est toute la pièce ; on ne saurait l’interpréter comme une concession d’auteur. Tout l’ouvrage est pour montrer justement ceci : la femme obéissant à des fonctions passionnées et passagères qui sont successivement en elle…

Au contraire de l’homme, qui peut se dévouer à une idée parfaitement en dehors de son destin ou de son bonheur personnel, qui peut même lui rester fidèle bien après tout accomplissement, les femmes sont des héroïnes momentanées ; elles se haussent jusqu’à la pire abnégation, mais elles ne sont jamais que des héroïnes d’occasion avec la passion et le pur instinct pour levier. Elles sont poussées par des forces intérieures, des dévouements sans limites, mais ce sont là des métamorphoses temporaires que leur inspirent les mystérieux desseins de la nature dont elles sont les meilleures servantes. La passion qui les a fait agir, une fois morte ou détruite, elles retombent au degré moyen du thermomètre de la vie, avec parfois la plus absolue contradiction d’attitude ; elles attendent patiemment de la vie une autre utilisation de leurs forces. Le parallélisme du second et du quatrième acte m’a séduit au contraire par sa vérité. L’amante hérissée qui s’engage à renier pour toujours trente ans de vie morale, d’habitudes, de tendresses, sous l’empire d’un moment d’ardeur inusité : ça c’est « le passage de Vénus ».

Vénus a passé, Vénus est partie. L’amante l’a, de ses propres mains vieillies, chassée dans les confins du ciel. D’instinct, domestique naturelle de la vie, sans même avoir à y réfléchir, elle se dirige vers sa nouvelle métamorphose. Oh ! sans joie, sans grand espoir, à la façon inconsciente des oiseaux qui, ayant hésité quelques secondes dans les airs, prennent la vague direction du bonheur, et lorsque Maman Colibri revient vers l’enfant