Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/281

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JEANNINE.

Pour vous.

GEORGES.

Et j’ai été obligé de mentir à votre sœur. Je n’aime pas beaucoup ça !

JEANNINE.

Puisqu’il paraît que vous lui dites tout, vous n’avez qu’à le lui dire.

GEORGES.

Reprochez-le-moi donc.

JEANNINE.

Non, c’est vrai, je vous remercie.

GEORGES.

Mais je ne veux pas que pareille chose se renouvelle. Ça nous crée des airs de confidence que je réprouve. Vous savez quelles sont nos conventions à tous les trois ? Très sérieusement, j’ai à vous gronder. C’est comme cette histoire de paillier l’autre soir… quand nous sommes allés nous étendre tous les trois après dîner… Isabelle peut très bien nous avoir vus. J’étais très embarrassé.

JEANNINE, riant.

Je le sais bien.

GEORGES.

Oui… Alors, si c’est un jeu, il est temps d’enrayer.

JEANNINE.

C’était si bon, l’autre soir ! J’ai bien mis cinq minutes à faire ramper ma main sous la paille, pour atteindre la vôtre, sans que ni vous ni Isabelle ne me voyiez. Puis, quand j’ai saisi le bout de vos doigts, j’ai serré, serré de toutes mes forces ! Vous ne pouviez plus bouger. Il aurait fallu qu’Isabelle vît, pour retirer votre main, et alors… je sentais tout doucement mon bras s’engourdir sous la paille… et, comme ça, sous la lune, avec l’odeur d’une grosse rose qui était à mon corsage… c’était si bon !… Et, taisez-vous, je vous ai été si reconnaissante que vous ne retiriez pas votre main !…