Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/25

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GRÂCE.

Je ne le sais que trop !… On a agité tous mes ancêtres à cette occasion… Il paraît qu’ils auraient frémi dans leur tombe.

SUZANNE.

Mais ce sont des sentiments très respectables, à mon avis.

GRÂCE.

Je parle sans rancune, Suzanne, et sans exaltation… Telle tu m’as connue au couvent, telle je suis encore… Très réfléchie et très calme, tu te souviens ? Bonnes notes et bons devoirs. J’ai averti papa et maman de ma décision. Papa est premier président, tu sais ?

SUZANNE.

Je savais, oui, qu’il avait une situation dans la magistrature, mais j’ignorais au juste laquelle…

GRÂCE.

Oui, la magistrature assise, et notre grand nom, les deux cloches !… J’aurais déshonoré toute la famille… toute la province, où nous comptons des parents à l’infini… La situation, le siège de papa… Alors, tu comprends ! Ç’a été des scènes terribles… Ma mère eût été peut-être moins intraitable. Elle est bien du Midi. Plus criarde que résolue… Mais, papa, c’est le Midi froid, le Midi glacial ; rien de plus terrible. On a chassé monsieur.

CLAUDE, (qui ponctue ce récit de ses hochements de tête.)

C’est exact, c’est exact.