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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/271

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chon ! Depuis une minute je jouais avec son manchon, sans m’en apercevoir !… Ça ne te dit encore rien, à toi, son manchon ? Regarde quelle ombre charmante est en lui. Sa main y habitera tout l’hiver et je ne serai plus là pour en presser le bout des doigts dans le friselis du dehors… Ah ! mon ami, tout ce que je perds !… on ne sait pas… Son petit bras que je prenais sous le mien, dans nos promenades du soir, quand nous nous cachions… le doux frottement de la loutre contre mes ongles, la tiédeur qui venait d’elle. Je perds le bleu de ses yeux, le jaune de ses cheveux… Que veux-tu ?… On m’enlève mon collier, à moi… je n’appartiens plus à personne… Qu’est-ce que je vais devenir, dans la vie ?… Ah ! tu ne peux pas comprendre Ça !… On est bête, mais de quitter cette simple chose, ce manchon qui fait comme moi, qui l’attendait tous les jours et n’a pas d’autre raison d’être au monde que celle-là… j’ai le cœur qui se retourne. Il me semble tout à coup que nous étions des camarades au rancart… Pas, vieux ! tu me comprends, toi qui resteras ici et que j’envie, parce que tu sens encore tous les bouquets de violettes donnés, parce que tu sens Rosine, toute Rosine, toute ma jeunesse qui s’en va… Ah ! mauvaise ! mauvaise ! mauvaise !

(Il appuie gauchement le visage contre le manchon, dans un sanglot court de gros homme.)
BOUDIER.

Grand gosse, va !… Es-tu bête, de t’être laissé prendre par une femme ainsi ! Allons ! secoue-toi un peu, sacrebleu !