Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/351

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fort que moi ! Je ne devrais pas te dire ça… mais tu me demandes d’être sincère… alors je parle… Et puis, tu te rends bien compte que ce n’est pas de l’amour, n’est-ce pas ? Toi qui as une nature si élevée, ces mesquineries ne peuvent pas t’atteindre. (Baissant la voix.) Je crois que je suis jalouse… C’est affreux, hein ? Tu dois bien me mépriser.

POLICHE.

Ma pauvre enfant !… Te mépriser !

ROSINE.

Si ! ce sont des sentiments très bas… Il faut que je le revoie !… Que veux-tu ? Je crois que, si je le revoyais, si je lui parlais, peut-être ça passerait… Ah ! j’ai honte de te dire ces choses… tiens ! J’aime mieux pleurer.

(Elle se détourne.)
POLICHE.

Pauvre petite gosse ! J’aime ton chagrin, si simple, si naturel. (Il lui prend la tête et la ramène à lui.) Eh bien, il faudra aller le rejoindre.

ROSINE, (vivement.)

Oh ! non !… Après ce que tu m’as dit, tout à l’heure… je n’oserais jamais faire cela !

POLICHE.

Si, si, il le faut, tu iras le rejoindre. Et c’est bien ainsi !… Je le veux… Moi, ça ne fait rien… ne t’en occupe pas… Il ne faut pas te faire un monde de ce que nous sommes autrement qu’autrefois. Au fond, on n’est pas si changé… on se comprend tout de même.

(Il lui caresse doucement le visage en la regardant avec un long sourire triste.)