Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/91

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LECHÂTELIER.

Je le disais sans ironie.

GRÂCE.

Sachez qu’il y a en province, parfois, des âmes destinées à un seul amour. Elles font mûrement le choix de l’homme à qui elles apporteront le don d’elles-mêmes… mais, ce choix fait, il est pour la vie… Rien ne peut l’ébranler… ni gêne, ni pauvreté, ni honte… et c’est pourquoi je vous reçois sans rougir, monsieur, au milieu de cette vaisselle, des bottines défaites et des cartons ouverts…

(Elle décrit en disant cela, un geste circulaire, élégant et distingué.)
LECHÂTELIER.

Il est des gestes si pudiques qu’ils effacent toute impudeur autour d’eux…

GRÂCE.

Une éducation religieuse comme la mienne sert justement à se familiariser d’avance avec toutes les atteintes ou toutes les laideurs de la vie, et avec cette idée que chacun porte la peine de son idéal… et chacun à sa manière !…

LECHÂTELIER.

Oui, c’est d’une naïveté très touchante ce que vous dites si joliment… Mais l’avenir !… Y avez-vous pensé ?…

GRÂCE.

Ah ! monsieur, l’avenir, s’il vous éblouit en le regardant, il n’y a qu’à faire comme pour le soleil…