Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/116

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dant qu’il y avait ces importuns, tu étais exquis… Tu avais pris un livre joliment relié sur la table… et tu le caressais comme on caresse une bête, un petit chien. Ça a duré une demi-heure presque… Je te regardais… tu ne le voyais pas… Je t’aurais embrassé !… J’avais envie de jeter le livre et de me mettre à sa place…

(Dans l’atelier on applaudit.)
BERNIER.

On ne sait pas à quel point une chose rare, artiste, m’exalte… Moi-même, je ne le soupçonnais pas, autrefois… Ne te trompe pas !… Ne crois pas que je sois épaté par toi ni par ton rang… Non, je suis un homme enivré, voilà. J’ai éprouvé des choses analogues en découvrant l’Italie… une envie de rugir de plaisir… Seulement, pour toi, en plus, j’ai l’ivresse de la possession… et de la vraie ! C’est amusant de parler de tout ça, dis ?… pendant que tous ces imbéciles, à côté, font semblant de s’enthousiasmer pour ces pauvretés !… Nous avons mieux !

LA PRINCESSE.

Ah ! quelle belle union ç’aurait été que celle d’un homme et d’une femme comme nous !

BERNIER.

Oui. On se rencontre trop tard… quand on comprend la saveur et le prix de la vie !… C’était impossible !

LA PRINCESSE.

Ne dis pas ça… Oh ! si je voulais… Ne dis pas ça !… Quand je veux quelque chose, Dieu cède !