Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/159

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LE PRINCE, (avec autorité, rejetant sa couverture.)

Cette dame fut, dix ans, mon amie la plus tendre et la plus chérie… Ce tableau retournera à mon chevet.

LA PRINCESSE.

Il me semble, mon cher, que les conditions de notre rupture sont assez avantageuses pour que vous me fassiez une gracieuseté, quand je vous la demande… Je désire garder ce Renoir. Faites-moi le plaisir de me le laisser. Ne revenons pas là-dessus, je vous assure.

LE PRINCE.

C’est un souvenir inestimable pour moi.

LA PRINCESSE, (se lève, et avec insolence.)

Eh bien, je vous l’achète… N’en parlons plus !… (À Maître Rivet.) Prenez note, monsieur, que j’élève la somme de la donation à six cent mille francs. Je crois que j’y mets le prix.

LE PRINCE, (blanc comme linge, se redressant de toute sa hauteur.)

Halte-là, ma chère, ou je vais laisser tomber entre nous une parole qui fera plus de bruit que le marteau d’un commissaire-priseur !… Des roturiers peuvent acheter un domaine en ruine, mais il faut attendre que les châtelains en soient sortis pour leur manquer… Dans la ruine que je suis, il y a une âme, encore, ma chère. Attendez que la maîtresse de maison soit partie.

LA PRINCESSE.

Des mots, après des chiffres ! Vous maniez les uns comme les autres, mais c’est beaucoup d’arias, monsieur, pour la simple estimation d’un tableau.