Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/296

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je t’aurai donné sur le front aujourd’hui, que tu te le rappelles toujours.

FÉRIOUL.

Elle est folle !

CHARLOTTE.

C’est si terrible de penser à tout ce qui peut arriver ! On est là, des lèvres se touchent, on se serre, et puis quelque chose peut survenir tout à coup, et, en une minute, c’est fini, plus jamais ces lèvres-là ne se toucheront… C’est terrible… quand j’y songe…

FÉRIOUL.

Tu vois, avec quelles idées noires tu vis, ma chérie… C’est ma mère qui a raison… Ça m’attriste de te voir ainsi !…

JEANNETIER.

Le fait est… Charlotte, que vous frisez la neurasthénie, prenez garde… oui, la neurasthénie… Vous avez peur des choses vagues… Ah ! les phobies…

CHARLOTTE, (se levant précipitamment.)

Moi, allons donc, pfftt !… Mon bon Fred, elle est gaie comme tout, Charlotte, et puis, baste ! arrive que voudra… vous avez raison… nous nous fichons pas mal de la vie.

(Elle chantonne et se met au piano. Elle joue un air très gai.)
FÉRIOUL, (allumant un cigare.)

Oui, à la bonne heure, joue ça !… Tu le joues si bien, avec tant d’expression !…