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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/377

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FÉRIOUL.

Entre les quelques qualités que votre sang m’a transmises, il y en a une dont, jusqu’au tombeau, je vous serai reconnaissant : c’est le courage. Ah ! je vis une vie bien étrange, allez ! Quelle retraite intérieure depuis deux jours !… Peu d’hommes ont eu au bord de l’action le loisir de la méditer ainsi. C’est un cas unique. Brusquement, au moment de lever le poing, plus rien devant moi, le vide… deux jours dans le vide à reconstituer, à méditer avant le retour de la coupable. Deux jours, comme c’est long… trop long… l’instinct s’émousse. J’ai fait le tour des idées. Dans le malheur, on se sent devenir plus grand. On se meut dans une sorte d’atmosphère pathétique… Il n’est pas bon pourtant de réveiller la conscience. On ne voyait pas les tares des autres, mais on oubliait aussi les siennes. On se met à regarder en soi, on compare… Cela s’appelle réfléchir… C’est ce qui m’est arrivé… Dans mes deux nuits d’insomnie, mes actions passées ont surgi devant moi… La nuit, on revoit sa jeunesse… Et c’est effrayant tout ce qu’on peut découvrir dans son propre passé… Il y a des actions qui n’ont pas fait de bruit… On n’y pense pas… Et pourtant… Quelles étranges répercussions derrière nous… J’ai fait comparaître une de ces actions-là aujourd’hui… J’en ai éprouvé le besoin, à mon réveil… Vous souvenez-vous d’une petite cueilleuse de seize ans appelée Mariétou qui, séduite par un contremaître de l’usine Giraud, avait été abandonnée, puis honnie par tout le village… Elle pensait se tuer…