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L’OMBRE.


Prenez-les. Je les ai. Ami !Va, bois l’espoir.
L’espoir d’aimer tient tout entier dans un parfum !

LUI.


Oh ! votre bouche est-elle assez gaie ?

(Il l’embrasse.)


Oh ! votre bouche est-elle assez gaie ?Encore un !

(Il l’embrasse encore.)


Je n’aime plus que vous !

ELLE.


Je n’aime plus que vous !Que moi !

LUI.


Je n’aime plus que vous ! Que moi !Le sentez-vous ?

L’OMBRE.


Et dire que c’est vrai qu’elle ne le sent pas
que tu mens, que tu mords ses cheveux et son cou
comme pour y chercher autre chose que moi
sans le trouver… Ta lèvre aspire la buée
de mon rêve. Va, il est là, très près, tout près…
Ma tête transparaît sous ses cheveux défaits.
Regarde mon visage à travers eux, regarde.

(L’Ombre, derrière le canapé, est presque joue à joue avec la femme, ses doigts soulèvent et mêlent les deux chevelures. Celle de l’Omhre flamboie.)


Suis-je belle ? Autant qu’elle ? Plus ? Comme tu tardes
à répondre ! Bien mieux, avoue ! Que c’est joli
deux têtes renversées que l’on tient dans ses coudes,
comme deux fleurs coupées, deux roses ou deux lys !…
Vois, elle croit que tu t’arrêtes, que tu boudes
ses lèvres, que ta bouche à son oreille glisse,