Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/96

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passé, tandis que toi tu serais là-bas… dans un train… avec elle… parti !…

ARMAURY.

Mais non, encore une fois, ta déduction est fausse… Tu te fies à une lettre de domestique… car elle sent l’office à plein nez, cette lettre-là.

FANNY.

Marcel, il n’est pas croyable que tu aies mis de l’ordre dans ton esprit. Tu agis dans un coup de folie… un coup de folie, comme les hommes en éprouvent… Tu n’as pas pensé aux conséquences, à tout ce que Paris va dire demain, à tout ce qui te menace… C’est l’effondrement pur et simple de ta situation, de ton honorabilité… Tu n’as plus de parents c’est entendu, mais, moi, j’ai les miens. Tu es responsable vis-à-vis d’eux… tu n’as pas le droit de me faire cela… Ah ! si la vie nous avait donné des enfants, tu ne partirais pas… Je suis seule, tu fais bon marché de moi… Oh ! mais, crois-le bien, je ne m’avoue pas vaincue tout de même… non, non, non, Marcel, tu ne partiras pas… Et c’est moi qui t’en empêcherai !…

ARMAURY.

As-tu terminé ?… Je laisse passer ce flux de paroles sans essayer de me défendre… Encore une fois, je t’affirme que tu te trompes… tu fais fausse route.

FANNY.

Non, je ne me trompe pas. On peut se tromper sur des témoignages tels qu’une lettre anonyme… un bagage dans un couloir… la présence même de cette fille dans ton chez toi, tout cela n’est que de l’évidence ! Mais ce qui ne trompe pas, c’est ta gêne, ta honte, ta façon de ne pas me regarder,