Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/142

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oh ! maintenant je peux le dire… elle est rentrée ici habillée d’une façon si étrange, avec un costume de… (Elle hésite.) de femme de chambre… Elle était restée absente toute la matinée. (Dans une plainte.) Oh ! non, pas cela ! pas cela !…

PHILIPPE.

Ah ! vous voyez bien !… Vos yeux s’ouvrent maintenant ! Ce qui vous avait empêché de voir, c’est cette littérature, ce farouche orgueil qu’elle s’était collé comme un masque. Maintenant, vous frémissez !

MADAME DE MARLIEW.

Et à quel point !…

PHILIPPE.

Pas plus que moi. Ce que je puis souffrir, moi, depuis quelques heures ! Oh ! ce n’est pas une souffrance aiguë… non… c’est une impression de froid… Voir vivre tout à coup devant soi, d’une vie autre, l’être dont on s’était fait une image si différente, comprendre tout à coup la raison de ses rires, les expressions de ses yeux ! Ah ! la vie double ! le mystère de cela ! On se répète machinalement : voilà ! voilà ! je sais ! plus rien ne fera que le passé puisse ressusciter… Ce sont de sales moments, croyez-le…

MADAME DE MARLIEW, (toute à sa pensée, et niant à nouveau énergiquement.)

Prince, permettez-moi encore d’espérer qu’il y a là un formidable malentendu. Elle va rentrer et vous allez voir, Monsieur, elle nous rassurera d’un mot… Mais, quelle attente pénible pour vous comme pour moi !