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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/208

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LA PRINCESSE ÉLÉONORE.

Oui, sur toute la terre, c’est partout la même beauté, les Campo-Santo, les Aliscamps. Partout les violettes sauvages et l’âme de la mort ! (À Thyra.) Comme votre lévrier ferait bien, Thyra, couché sur cette dalle rectangulaire ! Votre lévrier héraldique, comme on en voit sur certains tombeaux, couchés aux pieds nus de leur maître…

THYRA.

Voulez-vous que j’essaye de lui faire prendre cette pose plastique. C’est facile, Sam !…

(Elle prend le greehound, la laisse à la main, et essaie de lui faire gravir la pierre tombale. Elle s’allonge elle-même dans la pose funèbre.)
OSTERWOOD.

Quelle horreur ! Ce beau paysage ne parle que de joie et de volupté… Écoutez la flûte de Pan… La flûte de la danse !… Y a-t-il par ici un vieux laissé pour compte de faunes et de sylvains ?… En cherchant bien !

THYRA.

Mais Allégra peut danser au milieu de ces tombeaux, une danse comme elle seule sait en danser. Vous ne l’avez pas vue… elle est d’une nostalgie extraordinaire… Elle danse tous les pays.

ALLÉGRA.

Merci ! pas sans musique !… Chanter tout au plus !… pour accompagner la flûte dans le ton… (Elle murmure une chanson exotique langoureuse, et effleure presque en dansant les tombes sur lesquelles elle jette par amusement quelques fleurs, puis brusquement.) Non ! Un bar américain à Java ! Pas de poésie !

(Allégra se met à chanter une scie en langue anglaise. Elle le fait en parodie, presque en riant, et en imitant l’accent nasal des chanteuses américaines.)