Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/219

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beauté du monde, ah ! autant elle est enthousiasmante pour les esprits qui créent… autant elle est décevante et mesquine pour ceux qui la suivent les mains vides !…

LA PRINCESSE ÉLÉONORE.

Ah ! comme vous venez de bien dire tout le secret de notre tristesse errante ! Notre chère beauté, oui, ainsi que l’appelle Osterwood, comme elle n’est rien pour nous lorsque nous ne sommes plus rien pour elle !… Alors, vous aussi, vous connaissez cette déception-là !… Vous êtes une artiste, pourtant !… Mais, heureusement…, il y a un Dieu… je vous le jure !… il y a un Dieu ! Êtes-vous si païenne que vous le dites ?

THYRA.

Je n’entends pas grand’chose à Dieu en effet… Quand l’hiver viendra… ce sera le moment de croire à Dieu… mais après les végliones et les batailles de fleurs, seulement !…

LA PRINCESSE ÉLÉONORE.

Je comprends maintenant cette ardeur que vous mettez à mourir. Approchez que je vous regarde !… que je voie sur votre visage une des plus hautes expressions du désespoir !… Je perce, je devine tout, maintenant, ma chérie, et votre anxieux amour pour ce Philippe énergique et dur… cette détresse qui se change chaque jour en exaltation. On dirait que la mort vous a piquée d’un subit aiguillon… et que vous allez… toujours… toujours…

THYRA.

Vous ne saurez jamais, Altesse, la gratitude que je vous ai de ne pas me plaindre banalement ! Je n’aurai donc pas à me repentir d’avoir une