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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/146

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con, vivement il va à la porte, et, dressé sur la pointe des pieds, regarde par les carreaux.) Qu’est-ce que tu fais là ? (Il comprend, crie, essaie d’ouvrir la porte, n’arrive pas à la faire céder ; alors, avec le poing, il brise un carreau, passe la main à travers, ouvre intérieurement la porte fermée et se rue dans la pièce. On entend un bruit de verres heurtés. Il a empoigné solidement sa mère par les deux bras et, dans une lutte à la fois terrible et légère, il l’a poussée et la jette violemment sur un fauteuil, près de la porte.) Tu es folle !… Tu es folle !… Où as-tu mis le flacon ? Donne-moi ça !… (Il lui arrache de la main droite le flacon qu’elle veut, d’un geste vain, retenir encore. Il le jette au loin. De la main, il constate que les lèvres de sa mère ne sont pas mouillées.) Tu en étais là !… Tu en étais là !… C’est horrible !… Tu n’as rien bu, au moins ?… Rien. Non, le flacon était plein… Dire que si j’étais arrivé une minute plus tard… Oh ! maman ! Comment oses-tu une pareille chose ?… Tu étais venue te tuer chez moi !… (Elle a une crise de sanglots éperdue, une crise de réaction. Il est à genoux près d’elle, épouvanté, bouleversé, devant ce drame si nouveau pour lui, si inattendu. Il la couvre de caresses.) Ma pauvre maman, tu verras !… Tu verras, on te sauvera !… Non seulement on te sauvera, mais tu seras heureuse. C’est moi qui te le promets, ma grande chérie ! Regarde-moi, dis ! Regarde ton bébé. Puisque c’est à ce point-là, eh bien, aux autres à te rendre ce que tu n’as pas la force toi-même de défendre !… Maman !… Quelle peine pour moi, quelle peine horrible !… (Il est assis à terre et comprime son cœur de la main. Ils demeurent un long temps silencieux, suffocants, sans se regarder. La mère, abattue, continuant de sangloter, et lui, tout pâle de l’émotion ressentie. Il met la tête dans ses mains comme pour reprendre haleine. Après ce long silence, il se lève lentement.) Tout n’est pas perdu… On va s’y employer, bien que tu viennes de me donner