Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/382

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je l’embrassais, mais maintenant il vit… comme la réalité…

(C’est toujours comme tout à l’heure la poursuite de l’image intérieure, l’obsession. Il laisse fléchir la tête sur le bras d’Henriette, il y dépose quelques furtives caresses.)
HENRIETTE, (avec un mouvement de pudeur froissée et surprise.)

Ah çà ! Monsieur !… qu’est-ce que vous faites ?

JUSSIEUX, (les yeux ardents, la voix étouffée.)

Que vous êtes jolie… chère image… que vous êtes jolie.

(Entre Honorine par la porte restée ouverte.)
HONORINE.

La princesse veut te dire adieu… Monsieur de Jussieux, demandez nos manteaux au vestiaire, je vous prie.

(Jussieux sort subitement par la droite.)
HENRIETTE, (répondant tout de suite au silence glacé de sa mère.)

Qu’est-ce que c’est que ce Monsieur que tu m’as présenté là ? Figure-toi, naïvement, là, je jouais à te ressembler… Il parlait de ton enfance, il ne tarissait pas et, étant donné son âge, je ne pensais pas qu’il pourrait être autrement que paternel. Tout à coup, quand tu es entrée, j’ai senti tout le long de mon bras un frôlement… Il appuyait les lèvres, de grosses lèvres humides et molles… Ç’a m’a été très désagréable… Je t’en prie, que je ne revoie plus personnellement ce Monsieur qui est sujet à des mouvements trop intempestifs !

HONORINE.

Tu ne le reverras pas, sois tranquille.