Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/81

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nous rencontrons dans les mêmes endroits. Il y a le fils de Liane de Rancy, il y a le fils d’Odette de Vanvres ; il y a… À quoi bon les énumérer, hein ? Tout ce que nous pouvons faire, c’est échanger avec vous, quand vous passez en voiture, un petit sourire, de vous envoyer, de loin, un petit salut discret. Oh ! je ne voudrais pas même que tu croies à des reproches… Seulement, tu demandes pourquoi on ne se parle pas, alors qu’on a dans le cœur des tas de choses qui voudraient peut-être bien en sortir… L’habitude du silence… une pudeur… on voudrait… et puis impossible… c’est plus fort que moi !

LIANE.

Eh bien, mais il fallait, il fallait… Par moments, au contraire, je te croyais un enfant renfermé, grognon même, car tu étais maussade…

MAURICE.

Ah ! c’est que, enfant, si on ne comprend pas bien tout, en revanche, on voit… (Il hésite.) Je suis entré, un jour, quand tu as eu une rupture, je crois, avec un jeune homme que tu aimais beaucoup, celui qui était alors le petit Rechetal…

LIANE.

C’est exact…

MAURICE.

Tu devais bien souffrir, parce que, quand je suis entré, ce jour-là, tu étais près de lui, à genoux, et tu pleurais, et tu lui tenais les mains, et tu l’embrassais… tu pleurais tellement que ça t’était bien égal que je sois là ou que je n’y sois pas ! Tu ne faisais pas plus attention à moi, que si je n’existais pas. Je suis resté contre la porte, et j’entendais les mêmes mots que ceux que tu me