Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/16

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chaque fois qu’on les a portés à la scène, ce n’a été que pour leur dresser, de façon un peu romantique et vaine, des autels avec leur cortège de sacrificateurs ou de martyrs nouveaux, comme dans la belle pièce de Monsieur de Curel, la Nouvelle Idole ! Ici, il s’agira d’un débat autrement précis, et, me semble-t-il, autrement éternel. J’ai voulu retracer quelques phases actuelles d’une bien grande et bien ancienne bataille : la lutte entre le fait et l’idée, la lutte de la matière et de l’esprit, celle même du corps et de l’âme… selon, du moins, les anciennes classifications. Vous verrez, dans les Flambeaux, le conflit entre l’interprétation supérieure du fait et son interprétation instinctive ou relative…

Mon savant a commis une action qui, à ses yeux, n’a pas du tout la valeur que lui attribue la société : il se comporte donc selon les données de sa conscience, et entraîne, de ce fait, un conflit terrible. « Je n’ai point perdu le sens des responsabilités, gémit-il, dans un aveu naïf et douloureux. Mais je l’ai soumis, comme je le sentais, à des idées ou à des morales supérieures : sans doute ai-je trop présumé de mes forces ou de la clémence de la vie, et ne suis-je pas arrivé à mettre d’accord la vie et la pensée… Utopiste ! Ah fatal utopiste !… Savant naïf, mauvais critique, qui crois tenir les fils de la vie entre les quatre murs de la chambre où tu travailles en reclus !… »

Un savant peut-il manquer de sens critique ?

Mais est-ce bien le lieu et l’heure d’épiloguer sur une pièce qui n’est pas encore jouée ? Ici, sous la plume, le fatal cortège des mots apparaît tout de suite, pédantesque et livresque… Il faut écouter les mots, mais seulement lorsqu’ils sont à leur place.

Il y a, dans mon drame, cette fois, un personnage