Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/231

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je lui ai toujours tout raconté de ma vie. Elle a été si bonne ! Elle a fait de gros sacrifices pour moi, savez-vous ? Le produit de ses veilles a fourni l’argent de mon lycée, de mes études d’architecte…

FRÉDÉRIQUE.

Je voudrais que vous la laissiez parler un peu avec moi. J’éprouve un penchant, une sympathie naturelle pour elle, parce qu’elle est votre mère !

JULIEN.

Je vous en prie ! Cela me sera très désagréable.

FRÉDÉRIQUE.

Je ne ferai aucune allusion, je vous prie de le croire.

JULIEN.

Mais elle serait capable d’en faire. Non, après le thé elle rentrera et, dans deux jours, elle sera partie d’ici. Il faut qu’elle réintègre son poste.

FRÉDÉRIQUE.

Pourquoi la laissez-vous travailler ?

JULIEN.

Dame !

FRÉDÉRIQUE, (légèrement, sans avoir l’air.)

Vous savez que mon mari va vous parler de votre augmentation.

JULIEN.

Ne revenons pas là-dessus ! Vous me blessez ! J’ai tenu à honneur de ne pas être augmenté et jusqu’à ce que je quitte la place…

(Il a dit le mot la « place » visiblement exprès, d’un air rogue ou agacé, tout en repoussant un caillou du pied.)