Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/275

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BOCQUET, (paraît soulagé d’une anxiété.)

Merci, Madame… (Il reprend.) D’ailleurs l’effondrement matériel n’est que peu de chose en comparaison de l’égarement moral… et du terrible dénouement qui se prépare… (Mouvemement d’impatience de Frédérique.) Oui, j’arrive au fait… Je résumerai comme je pourrai, en quelques mots… vous suppléerez facilement aux lacunes… Depuis son mariage, la vie de Julien est sans doute demeurée inconnue de vous, ou presque… n’est-ce pas, Madame ?

FRÉDÉRIQUE.

Je m’en suis complètement désintéressée… Il a fait quelques visites à mon mari ; je ne me suis jamais trouvée là… Je sais que Monsieur Ulric le rencontre de temps en temps dans les milieux d’affaires.

BOCQUET.

Le bruit ne serait-il jamais parvenu à vos oreilles que mon fils a mené par moments une vie de désordre ? Sa femme est certes charmante, mais froide, fermée, par son éducation de créole, à mille sentiments… comment dire… parisiens.

FRÉDÉRIQUE.

Ce mariage, cependant fort bien calculé, apportait à votre fils quelques garanties de bonheur, un peu d’aisance et, en tout cas, la sécurité…

BOCQUET.

Il n’a pas trouvé la compagne rêvée. Un désespoir ancien rongeait son âme. (Sursaut de Frédérique. Bocquet reprend posément.) Oui, Madame, j’ose le dire parce que je connais la vérité sur ce point. Bref, que ce soit pour cette raison ou pour d’autres, ce mariage n’a pas comblé une âme probablement