Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/71

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BOUGUET, (plus doucement.)

Eh bien, tu te trompes, mon enfant, et tu t’égares méchamment. Ne crois pas qu’il ne me sera point mélancolique et un peu triste même de ne pas t’avoir là à mes côtés… mon enfant… J’aurai un regret de ne plus entendre ton pas ici, quand je dictais le soir, ton rire encore dans les couloirs… Une paix qui était bien à nous deux… C’est cela, vois-tu, et non le reste qui mérite le nom d’amour !

(Au-dessus de la table, il lui caresse paternellement la main.)
EDWIGE.

Oh ! merci… c’est si doux de vous entendre parler ainsi !… Devant la fatalité qui me sépare de vous, je suis contente que vous m’ayez comprise malgré tout… que vous ayez compris de quelle façon je me réchauffais à votre génie compatissant et merveilleux… Si je n’avais plus les autres caresses, il me restait au moins les caresses de la pensée. C’était tout de même une petite possession journalière. Ah ! nos bonnes heures… nos bonnes heures… finies… pour toujours !

(Elle pleure.)
BOUGUET.

Ne regrette rien, elles étaient arrivées à leur terme… Tout a un temps. Tu sentais bien qu’elles allaient être interrompues complètement par mes travaux et notre découverte. Il faut même que j’interrompe la dictée de mon livre, et peut-être pour des années ! Ma vie ne sera plus désormais qu’un problème actif… où tu n’aurais plus pesé que comme un fétu… Allons, allons, petite fille, malgré tes protestations, au fond, tu es d’accord avec moi. Ah ! mon enfant ! fasse la vie que tu aimes cet excellent homme et que son esprit