Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/26

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timent. Avancer, certes, ne veut pas dire parvenir ! Maman Colibri et La Marche Nuptiale ne sont que de premières escales, si j’ose m’exprimer ainsi, et si tant est qu’une humble barque puisse être susceptible jamais d’un plus important voyage.

Tel fut le tracé du chemin. Était-il bien intéressant et même bien utile de le mentionner ?… Je ne crois pas. La sincérité ne va pas sans quelque naïveté ; il faut excuser l’une en faveur de l’autre.

De ces divers drames émergent quelques figures de femmes. C’est peut-être tout ce qu’il est souhaitable qu’on en retienne. Un même destin d’amour fatal les unit, bien qu’elles soient situées aux pôles extrêmes de la conscience. Aliette, la lointaine âme fruste de la glèbe qui tend le verre empoisonné au bord duquel fraternisent les lèvres de l’amour et de la mort  ; Marthe, la petite destinée aux yeux morts, holocauste de miséricorde. Puis ce furent les sœurs naïves de L’Enchantement, la cérébrale du Masque, etc. — Entre toutes, il en est trois pour lesquelles, personnellement, je ne puis me défendre d’une certaine prédilection : Jeannine de L’Enchantement, Maman Colibri et l’héroïne de La Marche Nuptiale. Jeannine peut-être avant toutes les autres parce qu’elle est l’instinct pur et sans mélange ; elle fut d’ailleurs très honnie dans le temps où elle parut, et scandalisa fort. Maman Colibri, en proie aux diverses fatalités du temps et de la nature, ne fut pas non plus sans soulever une atmosphère de scandale, on s’en souvient. À ce propos, certains esprits avancés ont cru voir dans mon quatrième acte, le retour de Maman Colibri au foyer de famille, une concession bourgeoise. C’est fâcheusement comprendre une pensée fort claire. Ce quatrième acte fut pour moi, bien au contraire, le point déterminant de la conception ;