Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 3, 1922.djvu/230

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SOUBRIAN.

Faites donc.

RYSBERGUE, refermant le tiroir où il a glissé le journal.

Eh bien, si je portais un grand nom français, ce me serait égal de le compromettre un peu. Il est des gloires nationales qui supportent vaillamment, et même peuvent tirer une légère coquetterie de certaines compromissions. Ce n’est pas la même chose pour nous, les étrangers… (Un domestique entre avec un pardessus et aide M. de Rysbergue à le passer.) Bien que ma femme soit très française et de vieille souche incontestée, je n’en reste pas moins étranger… et il s’attache toujours un peu de discrédit, vous le savez, à un nom de là-bas… On a beau faire, nous avons toujours vaguement l'air rastas.

SOUBRIAN.

La Belgique est une petite France.

RYSBERGUE, souriant.

Vous êtes bien aimable, mais un grand Belge n’est jamais qu’un petit Français. (Au domestique qui a fini.) Merci, mon ami. (Le domestique sort.) Je dois être susceptible en proportion de cette infériorité. Qui plus est de mon nom presque royal, — là-bas ! — j’ai fait une raison commerciale ! Songez donc comme il faut que je le préserve et ne laisse point retomber sur moi ou sur ma famille la plus petite des suspicions, de quelque nature que ce soit !… J’ai placé cet orgueil plus haut que tout