Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/204

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ELLE, (faiblement, laissant glisser sa tête sur son épaule, et dans un murmure timide.)


et doux… laissons-le donc venir enfin…Tu m’aimes ?

(À ce moment, la fenêtre de la window s’ouvre, sous la pression extérieure du vent. Les rideaux bougent, et l’ondulation se propage de rideau en rideau. Il a frissonné.)
ELLE.


Qu’avez-vous ?

LUI.


Qu’avez-vous ?Rien… Le vent n’a-t-il pas soulevé
les rideaux ?

ELLE.


les rideaux ?Oui, le vent léger des fins d’été…

LUI.


Est-ce le vent qui fait ce long bruit musical,
sur nos fronts… en frôlant le lustre de cristal ?
Comme on sent vivre l’ombre, n’est-ce pas ? Il passe
des souffles autour des lampes…

ELLE, (va à la fenêtre et la pousse légèrement.)


des souffles autour des lampes…Il fait si bleu !

(Au fond le grand rideau a bougé et se soulève comme sous la force du vent. Dans l’ombre de la galerie obscure une lueur d’abord absolument imprécise ; le point de départ d’une forme. Cette lueur prendra corps, peu à peu, en s’agrandissant, semblable à une forme évoquée.)
LUI.


Quelle chose profonde que le soir ! L’espace
est plein de nous-mêmes, empli de nos adieux,
de nos espoirs… c’est vrai… Dites… le sentez-vous
comme moi ?… On comprend des choses tout à coup…
Il y a les germes flottants de ce qui veut
naître et renaître… en nous… là-bas… partout.

ELLE.


naître et renaître… en nous… là-bas… partout.L’amour.