Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/46

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DIANE, (repoussant la lettre.)

Je ne me rappelle plus.

LE DUC.

Tu ne te rappelles plus, tu ne te rappelles plus ?

(Il lève la main sur elle.)
LA DUCHESSE, (se précipitant.)

Amédée ! Je vous en prie !

LE DUC.

Tu ne vas pas avoir l’aplomb de me dire que vous ne vous êtes pas retrouvés la nuit, ici ou ailleurs, car, que voudrait dire cette phrase : « Je te regardais danser ce soir chez Madame de Bellines ; ta robe te pressait délicieusement la gorge et ton cher petit corps tiède semblait gainé dans le bas comme celui d’une sirène… Et il me semblait que j’allais crier dans un orgueil triomphal à tous ces gens : — Ce corps que tous envient du même regard, il est à moi seul. J’en suis le maître, et demain je… » (Il s’interrompt, maîtrise son émotion et sa colère un instant, et, la voix brève :) Il y a « demain ». Tu ne nieras donc pas… Allons… où vous rencontriez-vous ? Ici, peut-être… Pourquoi pas ? Peut-être as-tu eu le front de le faire venir ici la nuit et de descendre entr’ouvrir la porte de l’hôtel. Ce voyou-là en était bien capable ! Réponds ! Laisse encore tes ongles tranquilles, je te prie, aie une attitude convenable devant ton père… ou prends garde !

LA DUCHESSE, (intervenant doucement.)

Dianette, je t’en supplie, sors de ce silence ; nous avons le cœur brisé par toi. Tu ne comprends donc pas que c’est très mal, ce silence que tu