Page:Batteux - Les quatre poëtiques d’Aristote, d’Horace, de Vida, de Despréaux, tome 1, 1771.djvu/345

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CE n’est pas assez que les Poëmes soient dans leurs couleurs, il faut encore qu’ils soient touchans, & qu’ils menent le cœur de l’auditeur où il leur plaît. Le visage de l’homme devient triste ou riant, à la vue de ceux qui pleurent ou qui rient. Si donc vous voulez que je pleure, il faut d’abord que vous pleuriez vous— même. Ce sera alors, Telephe & Pelée, que je serai touché de vos disgraces. Si vous rendez mal votre rôle, vos malheurs me feront ou rire ou bâiller. Un air triste demande des paroles tristes ; un air irrité, des paroles menaçantes ; un air enjoué, ou severe, un style gai, ou serieux. La Nature nous a rendus capables de toutes sortes de sentimens selon les situations où le sort peut nous mettre. Elle nous anime, ou nous porte à la colere ; elle nous resserre, ou nous abbat par la tristesse ; ensuite elle se sert de la langue comme d’un interprete, pour faire sortir les sentimens. Si vos discours n’ont pas le style & le ton de votre situation, tous les Romains, le peuple & les Grands, se moqueront de vous. Il y a une grande différence entre un valet qui parle, ou un héros. Le vieillard grave & le jeune