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Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/122

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accroissement dans leur trafic maritime ; car il faudra que l’une emprunte de l’autre tout le vin qu’elle voudra boire, et qu’en échange elle envoie tout le grain ou toute la laine que celle-ci voudra consommer.

En ce cas il y aura peut-être cent fois plus de commerce de mer, et cependant il y aura pour le total des deux Nations précisément la moitié moins de richesses et de jouissances, puisqu’il aura péri d’une part la moitié des vins qu’elles buvoient, d’autre part la moitié des grains dont elles se nourrissoient.

Qu’on juge à présent si prospérité des empires et accroissement du négoce des ports sont essentiellement la même chose, si quelquefois ils ne sont pas très évidemment le contraire.

[253] 2o voici un exemple frappant des causes factices qui font accroître le trafic maritime, non seulement sans augmenter, mais au contraire en diminuant le bien-être des autres classes de la société : c’est celui des Colonies modernes de quelques Européens, des Anglois par exemple, dans les Isles de l’Archipel d’Amérique qui leur fournissent du sucre, du tabac et de l’indigo.

Le Colon Anglois, producteur de sucre, est obligé d’aller chercher un sol à la Jamaïque, à la Dominique, à la Grenade ; il est obligé de tirer ses ouvriers Cultivateurs de l’Afrique, ses subsistances, ses meubles, ses vêtements, de l’Angleterre, et de renvoyer dans cette Métropole toutes ses productions, quoique la plupart ne s’y consomment pas, et soient réexportées ailleurs.

Il est certain que ce système entraîne beaucoup de voyages sur mer, qu’il occupe beaucoup de voitures et de mate[254]lots, qu’il procure beaucoup de salaires et bénéfices aux Négociants des ports.

Car il faut embarquer des marchandises pour le commerce ou la traite des Negres à la Côte d’Afrique, des subsistances pour ces malheureux Esclaves, et pour leurs premiers conducteurs, qui les transportent par une seconde course aux Colonies Angloises ; et notez qu’il en faut acheter et voiturer le quintuple au moins du vrai nécessaire, parcequ’il en périt avant d’avoir produit deux récoltes plus de quatre sur un qui se sauve des mille causes de mort qui les assiegent.

Quand ils sont-là sous la conduite de Blancs, il faut un troisieme voyage d’Europe en Amérique pour voiturer à eux et à leurs maîtres tous les instruments de leurs travaux, presque toutes leurs