C’est à cette intelligence, à cette volonté unique et suprême, que retentit tout ce qui s’opere de bien et de mal dans l’etat : c’est elle qui dirige d’une maniere plus ou moins immédiate tous les mandataires de l’autorité dans les trois ordres d’instruction, de protection et d’administration. Mais cette volonté doit-elle être celle d’un seul homme ou de plusieurs ? Cet homme seul ou cet assemblage d’hommes plus ou moins nombreux, doivent-ils apporter en naissant, par le titre seul de leur origine, ce droit d’avoir une volonté de si grande importance, de si grande efficacité ? Doivent-ils ne tenir ce droit que d’un choix libre et réfléchi ? Comment ce choix doit-il être fait, par qui, et sous quelles conditions, et pour quel espace de temps ? Toutes ces questions secondaires qui se présentent naturellement à l’esprit des hommes, ont occasionné mille et mille solutions diverses dans la spéculation, et de là sont nées dans la pratique cent et cent formes d’etats mixtes. Les partisans de la monarchie héréditaire soutiennent que tout acte d’autorité doit être censé n’être émané que de l’intelligence et de la volonté d’un seul homme, qui soit tel par le titre de sa naissance, et par le droit de primogéniture ; en sorte que sa qualité ne lui soit attribuée que par la providence suprême, et qu’il soit constitué ce qu’il est par Dieu même, dont il est le représentant dans la société. On ne peut nier que cette idée ne parte d’un principe saint et sublime. Cette volonté unique et suprême qui fait autorité, n’est pas à proprement parler une volonté humaine : c’est le vœu même de la nature, l’ordre du ciel, la loi éternelle, l’ordre évident et nécessaire. Les Chinois sont le seul peuple connu dont les philosophes paroissent toujours avoir été pénétrés de cette premiere vérité ils l’appellent l’ordre ou la voix du ciel, et réduisent tout le gouvernement à cette seule loi de se conformer à la voix du ciel. De même, disent-ils, qu’une intelligence, qu’une volonté unique et suprême dirige tout l’ensemble de l’ordre naturel, dont une portion est le bien-être ou le malheur de l’humanité sur la terre ; de même une intelligence, une volonté unique et suprême doit diriger dans l’etat tout l’ensemble des travaux souverains de l’art social qui approchent de plus en plus les intelligences et les volontés de tous les hommes du but général vers lequel ils sont inclinés par la raison éclairée, pour la prospérité de l’espece entiere.
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