Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/203

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On a qualifié d’ennemis, on a traité comme tels, non seulement des hommes innocents qui ne commettoient nul attentat contre nos propriétés, contre nos libertés ; mais qui plus est des hommes directement utiles, qui travailloient prochainement à rendre nos propriétés, nos libertés plus fructueuses pour nous, plus productives des jouissances qui font notre vie et notre bien-être. On a fait contre ces hommes utiles toutes sortes d’hostilités, c’est-à-dire, d’usurpations et de destructions de leurs propriétés, de violations de leurs libertés ; et ce qu’il y a de plus déraisonnable et de plus criminel, c’est aux dépens de nos propriétés et de nos libertés, à nous citoyens, qu’on a commis ces délits contre des hommes qui, bien loin d’être nos ennemis, ne nous étoient pas même étrangers, puisqu’ils pouvoient nous être utiles. Ces hostilités absurdes et funestes à l’humanité sont de deux sortes : les unes se font à découvert et à force ouverte par les invasions à main armée, suivies, de meurtres, d’incendies, de pillages ; les autres se font sourdement par les exclusions, les prohibitions, les taxes et les surcharges du commerce, ou par des perfidies cachées qui mettent le trouble et la confusion dans l’administration publique, dans les causes de la prospérité des arts utiles. Quelles idées que celles de ces hommes avides du sang humain, que de lâches flatteurs ont tant enivrés d’un sot orgueil, et qu’ils ont voulu même rendre respectables aux hommes dont ils étoient les fléaux les plus détestables ! Ruiner toutes les propriétés, enchaîner toutes les libertés des hommes qui avoient le malheur d’être immédiatement assujettis à leur pouvoir tyrannique ; prodiguer leur subsistance, celle de leur famille et de leur postérité, leurs facultés, leurs travaux, leurs vies même, pour détruire les propriétés d’autres hommes, pour anéantir les fruits de leurs travaux, pour subjuguer leur personne, et pour acquérir la malheureuse puissance de les tyranniser comme les autres. Quels hommes, quelles opérations, dont les effets sur la terre, sur ses productions, sur les avances et les travaux qui la rendent fructifiante, sur les hommes qui couvrent sa surface, sur leur multiplication, sont précisément les mêmes, sans nulle espece de différence, que si des milliers d’animaux carnaciers et indomptables, une maladie violente épidémique, un déluge d’eau ou de feu avoient été envoyés par le ciel sur les mêmes contrées ! Si ces monstres à figure humaine, qu’on appelle des conquérants,