Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/207

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désolent nécessairement l’humanité ? de la gloire et des richesses, de la puissance.

Mais est-ce qu’il n’y a pas une gloire attachée à la bienfaisance, sur-tout à la bienfaisance des Souverains ? Est-ce que les vertus même imparfaites du bon Numa, de Titus, de Trajan, de Marc Aurele ne les ont pas immortalisés autant que les conquêtes d’Attila, de Gengis Kan, de Tamerlan ?

Est-ce que les pacifiques empereurs Ya-O, Chun et Yu, fondateurs de l’instruction et de la prospérité Chinoise, dont la mémoire est sans cesse bénie et adorée sans interruption par cent millions d’hommes depuis plus de quatre mille ans, et commence à l’être dans notre Europe même, peut-être pour continuer des milliers de siecles, n’ont pas acquis une vraie gloire ?

Mais, est-ce qu’on s’enrichit jamais par [483] des usurpations ? Comptez ce que vous avez dépensé de biens, de temps, d’industrie pour désoler et envahir quelques-uns des cantons de la terre ; si vous en aviez employé le tiers seulement en avances souveraines sur votre propre territoire, vous y auriez multiplié les productions, les hommes et les arts, et vous vous seriez fait un revenu dix fois plus grand que celui qui peut résulter de vos usurpations, un revenu qui seroit le fruit juste et légitime de la bienfaisance, qui n’auroit point fait répandre de sang humain, qui n’auroit fait, qui ne feroit répandre de larmes que celles du plaisir.

Mais la puissance est fille de la richesse, sur-tout de la richesse qui vient de justice et de bienfaisance ; la triste, l’absurde, la cruelle envie, qu’on a voulu décorer (sous le nom de politique) du titre de science d’état, ne s’occupe qu’à épier les accroissements de la puissance d’autrui, qu’à les empêcher, qu’à les détrui[484]re. Que de soins, que de dépenses n’emploie-t-elle pas pour obtenir ce succès ?

Le quart de ces avances et de cette intelligence, employé à fonder votre propre puissance, vous mettroit au-dessus de ces progrès qui vous paroissent si redoutables. Au lieu d’assaillir sans cesse dix ou douze Nations, c’est-à-dire la malheureuse humanité, c’est-à-dire, ceux de vos propres Citoyens qui profiteroient par communication du bien que vous empêchez : que ne vous faites-vous vous-même riche et puissant du fonds de ces dix ou douze guerres sourdes et déguisées ?

Quelle émulation ! Et combien elle est absurde ! Que diroient-ils