Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/50

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détruits dans la plupart des sociétés, qui les ont détruites elles-mêmes, et qui ne pouvoient manquer d’opérer cet effet dès qu’elles contredisoient la loi naturelle.

Car il n’y a qu’un mot qui serve. « En tout et par tout, c’est le devoir rempli ou le travail accompli, qui donne la propriété en vertu de la loi naturelle ». Or, garantir la propriété, la défendre contre les usurpateurs, assurer la liberté, c’est-à-dire, le libre usage du droit d’acquérir par son travail, ou de [60] jouir après avoir acquis, c’est l’objet de la puissance protectrice, c’est ce qu’elle doit opérer par la justice distributive, et par la puissance politique ou militaire.

Si les commandements qui attribuent de prétendues propriétés (fondées sur tout autre droit que le travail, qui est le seul titre naturel ou légitime) ; si les commandements qui gênent les libertés par toute autre restriction que les propriétés d’autrui légitimement acquises ne sont pas regardées comme des loix[1] ; c’est alors qu’on pourra définir la liberté civile comme l’a fait le célèbre Montesquieu : l’avantage « de ne pouvoir être forcé à faire une chose que la loi n’or[61]donne pas », parcequ’alors on dira réellement en d’autres termes, que la liberté consiste « à ne pouvoir être empêché, ni d’acquérir légitimement des propriétés par son travail, ni de jouir de celles qu’on s’est acquises ».

Cette derniere définition plus claire et plus facile à retenir, ce me semble, ayant simplifié l’idée de la liberté civile, on conçoit tout d’un coup en quoi doit consister l’exercice de la justice ou de la puissance protectrice intérieure civile et criminelle.

1o dans des cas où l’on doute de bonne foi (chose très rare), et dans ceux où l’on feint de douter quel est le vrai propriétaire, quel seroit l’usurpateur : les dépositaires de l’autorité souveraine décident le doute : voilà la justice civile rendue entre les parties contendantes.

Elle est bien administrée cette justice, quand le magistrat a démêlé par le principe de la loi naturelle, le vrai propriétaire ; c’est-à-dire celui qui s’est légiti[62]mement acquis par son travail le droit de jouir, ou le vrai représentant du premier acquéreur.

  1. Encore une fois. Je n’entends pas ici affranchir les hommes soumis à un Gouvernement civil quelconque de la nécessité d’obéir même à des loix dont ils sentiroient les inconvénients : mais comme je cherche ici quel est l’ordre prescrit par la nature elle-même, qu’il me soit permis de n’appeler loix, que les regles qu’elle nous a tracées.