l’Académie a jusqu’ici accordé si peu de place), etc. Ainsi, dit-il, il sera possible de discuter, de vérifier les titres et de faire comprendre au public la légitimité d’un choix.
Hélas ! dans la très raisonnable utopie de M. Sainte-Beuve, il y a une vaste lacune, c’est la fameuse section du vague, et il est fort à craindre que ce volontaire oubli rende à tout jamais la réforme impraticable.
Le poète-journaliste nous donne, chemin faisant, dans son appréciation des mérites de quelques candidats les détails les plus plaisants. Nous apprenons, par exemple, que M. Cuvillier-Fleury, un critique "ingénieux à la sueur de son front, qui veut tout voir, même la littérature, par la lucarne de l’orléanisme, et qu’il ne faut jamais défier de faire une gaucherie, car il en fait même sans en être prié", ne manque jamais de dire en parlant de ses titres : "Le meilleur de mes ouvrages est en Angleterre." Pouah ! quelle odeur d’antichambre et de pédagogie ! Voulant louer M. Thiers, il l’a appelé un jour "un Marco-Saint-Hilaire éloquent". Admirable pavé d’ours ! "Il compte bien avoir pour lui, en se présentant, ses collaborateurs du Journal des Débats qui sont membres de l’Académie, et plusieurs autres amis politiques. Les Débats, l’Angleterre et la France, c’est beaucoup. Il a des chances."
M. Sainte-Beuve ne se montre favorable ou indulgent que pour les hommes de lettres. Ainsi, il rend, en passant, justice à Léon Gozlan. "Il est de ceux qui gagneraient le plus à une discussion et à une conversation sur les titres ; il n’est pas assez connu de l’Académie." L’auteur invite M. Alexandre Dumas fils à se présenter. On devine que cette nouvelle candidature déchargerait sa conscience d’un grand embarras. Même invitation est adressée à M. Jules Favre, pour la succession Lacordaire. Il faut bien, pour peu qu’on soit de bonne foi, à quelque parti qu’on appartienne, confesser que M. Jules Favre est le grand orateur