poli, même envers ses ennemis. En revanche, nous verrons le démocrate Biéville porter un toast, avec restrictions, à l’immortalité de l’auteur de Macbeth, et le délicieux Legouvé, et le Saint-Marc Girardin, ce hideux courtisan de la jeunesse médiocre, et l’autre Girardin, l’inventeur de la Boussole escargotique et la souscription à un sou par tête pour l’abolition de la guerre.
Mais, le comble du grotesque, le nec plus ultra du ridicule, le symptôme irréfutable de l’hypocrisie de la manifestation, est la nomination de M. Jules Favre, comme membre du Comité. Jules Favre et Shakspeare ! Saisissez-vous bien cette énormité ? Sans doute, M. Jules Favre est un esprit assez cultivé pour comprendre les beautés de Shakspeare, et, à ce titre, il peut venir ; mais, s’il a pour deux liards de sens commun, et s’il tient à ne pas compromettre le vieux poète, il n’a qu’à refuser l’honneur absurde qui lui est conféré. Jules Favre dans un comité shakspearien ! Cela est plus grotesque qu’un Dufaure à l’Académie !
Mais, en vérité, Messieurs les organisateurs de la petite fête ont bien autre chose à faire que de glorifier la poésie. Deux poètes, qui étaient présents à la première réunion dont je vous parlais tout à l’heure, faisaient observer tantôt qu’on oubliait celui-ci ou celui-là, tantôt qu’il faudrait faire ceci ou cela ; et leurs observations étaient faites uniquement dans le sens littéraire ; mais, à chaque fois, l’un des petits humanitaires leur répondait : "Vous ne comprenez pas de quoi il s’agit."
Aucun ridicule ne manquera à cette solennité. Il faudra aussi tout naturellement fêter Shakspeare au théâtre. Quand il s’agit d’une représentation en l’honneur de Racine, on joue, après l’ode de circonstance, les Plaideurs et Britannicus ; si c’est Corneille qu’on célèbre, ce sera le Menteur et le Cid ; si c’est Molière, Pourceaugnac et le Misanthrope. Or, le directeur d’un grand théâtre, homme de douceur et de modération, courtisan impartial de la chèvre et du chou,