Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/122

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Parce que la mer offre à la fois l’idée de l’immensité et du mouvement. Six ou sept lieues représentent pour l’homme le rayon de l’infini. Voilà un infini diminutif. Qu’importe, s’il suffit à suggérer l’idée de l’infini total ? Douze ou quatorze lieues de liquide en mouvement suffisent pour donner la plus haute idée de beauté qui soit offerte à l’homme sur son habitacle transitoire.

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Il n’y a rien d’intéressant sur la terre que les religions.

Il y a une religion universelle faite pour les alchimistes de la pensée, une religion qui se dégage de l’homme, considéré comme mémento divin.

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Saint-Marc Girardin a dit un mot qui restera : « Soyons médiocres ! » Rapprochons ce mot de celui de Robespierre : « Ceux qui ne croient pas à l’immortalité de leur être se rendent justice ». Le mot de Saint-Marc Girardin implique une immense haine contre le sublime.

Qui a vu Saint-Marc Girardin marcher dans la rue a conçu tout de suite l’idée d’une grande oie infatuée d’elle-même, mais effarée et courant sur la grande route, devant la diligence.

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Théorie de la vraie civilisation. Elle n’est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes. Elle est dans la diminution des traces du péché originel.