Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/174

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Puis Carnaval, ou quelques notes précieuses sur cette curiosité ambulante, cette douleur attifée de rubans et de bariolages dont rient les imbéciles, mais que les Parisiens respectent.

La seconde livraison contenait : Pauvre Trompette, ou l’histoire lamentable d’une vieille ivrognesse très égoïste, qui ruine son gendre et sa fille pour gorger son petit chien de curaçao et d’anisette. Le gendre exaspéré empoisonne le chien avec l’objet de ses convoitises, et la marâtre accroche aux vitres de sa boutique un écriteau qui voue son gendre au mépris et à la haine publiques. — Histoire vraie comme les précédentes. — Or, ce serait une erreur grave que de croire que toutes ces historiettes ont pour accomplissement final la gaîté et le divertissement. On ne saurait imaginer ce que Champfleury sait mettre ou plutôt sait voir là-dessous de douleur et de mélancolie vraies.

Le jour où il a fait Monsieur Prudhomme au Salon, il était jaloux d’Henri Monnier. Qui peut le plus, peut le moins, nous savons cela ; aussi ce morceau est-il d’un fini très précieux et très amusant. Mais véritablement l’auteur est mieux né, et il a mieux à faire.

Grandeur et décadence d’une serinette. — Il y a là-dedans une création d’enfant, un enfant musical, garçon ou petite fille, on ne sait pas trop, tout à fait délicieuse. Cette nouvelle démontre bien la parenté antique de l’auteur avec quelques écrivains allemands et anglais, esprits mélancoliques comme lui, doublés d’une ironie involontaire et persistante. Il faut remarquer en plus, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, une excellente description de la méchanceté et de la sottise provinciales.