Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/176

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listes enragés qui vous nourrissez de carottes pour mieux les dessiner, et vous habilleriez de plumes pour mieux peindre un perroquet, lisez et relisez ces hautes leçons empreintes d’une ironie allemande énorme.

Jusqu’à présent, je n’ai rien dit du style. On le devine facilement. Il est large, soudain, brusque, poétique, comme la nature. Pas de grosses bouffissures, pas de littérarisme outré. L’auteur, de même qu’il s’applique à bien voir les êtres et leurs physionomies toujours étranges pour qui sait bien voir, s’applique aussi à bien retenir le cri de leur animalité, et il en résulte une sorte de méthode d’autant plus frappante qu’elle est pour ainsi dire insaisissable. J’explique peut-être mal ma pensée, mais tous ceux qui ont éprouvé le besoin de se créer une esthétique à leur usage me comprendront.

La seule chose que je reprocherais volontiers à l’auteur est de ne pas connaître peut-être ses richesses, de n’être pas suffisamment rabâcheur, de trop se fier à ses lecteurs, de ne pas tirer de conclusions, de ne pas épuiser un sujet, tous reproches qui se réduisent à un seul, et qui dérivent du même principe. Mais peut-être aussi ai-je tort ; il ne faut forcer la destinée de personne ; de larges ébauches sont plus belles que des tableaux confusionnés, et il a peut-être choisi la meilleure méthode qui est la simple, la courte et l’ancienne.

Le quatrième volume qui paraîtra prochainement est au moins égal aux précédents.

Enfin, pour conclure, ces nouvelles sont essentiellement amusantes et appartiennent à un ordre de littérature très relevé.