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LES SIX

PIÈCES CONDAMNÉES[1]




XX

LES BIJOUX


La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur
Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j’aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d’aise
À mon amour profond et doux comme la mer
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

  1. Le numéro placé en tête de chacune de ces pièces est celui sous lequel elles étaient classées dans la première édition ; mais le texte que nous en donnons est celui des Épaves, dont les épreuves, bien qu’en ait dit Poulet-Malassis, furent évidemment revues par l’auteur. Le lecteur curieux des variantes se reportera aux Commentaires du Prince Alexandre Ourousof. (Le Tombeau de Charles Baudelaire, Paris, Bibliothèque artistique et littéraire, 1896.) Nous leur empruntons seulement la mention des plus importantes.