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Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/310

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neur absurde qui lui est conféré. Jules Favre dans un comité shakspearien ! Cela est plus grotesque qu’un Dufaure à l’Académie !

Mais, en vérité, Messieurs les organisateurs de la petite fête ont bien autre chose à faire que de glorifier la poésie. Deux poètes, qui étaient présents à la première réunion dont je vous parlais tout à l’heure, faisaient observer tantôt qu’on oubliait celui-ci ou celui-là, tantôt qu’il faudrait faire ceci ou cela ; et leurs observations étaient faites uniquement dans le sens littéraire ; mais, à chaque fois, l’un des petits humanitaires leur répondait : "Vous ne comprenez pas de quoi il s’agit."

Aucun ridicule ne manquera à cette solennité. Il faudra aussi tout naturellement fêter Shakspeare au théâtre. Quand il s’agit d’une représentation en l’honneur de Racine, on joue, après l’ode de circonstance, les Plaideurs et Britannicus ; si c’est Corneille qu’on célèbre, ce sera le Menteur et le Cid ; si c’est Molière, Pourceaugnac et le Misanthrope. Or, le directeur d’un grand théâtre, homme de douceur et de modération, courtisan impartial de la chèvre et du chou, disait récemment au poète chargé de composer quelque chose en l’honneur du tragique anglais : "Tâchez de glisser là-dedans l’éloge des classiques français, et puis ensuite, pour mieux honorer Shakspeare, nous jouerons Il ne faut jurer de rien !" C’est un petit proverbe d’Alfred de Musset.

Parlons un peu du vrai but de ce grand jubilé. Vous savez, monsieur, qu’en 1848 il se fit une alliance adultère entre l’école littéraire de 1830 et la démocratie, une alliance monstrueuse et bizarre. Olympio renia la fameuse doctrine de l’art pour