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Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/61

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Et le cœur transpercé, que la douleur allèche,
Expire chaque jour en bénissant sa flèche.

[1844.]

Noble femme au bras fort, qui durant les longs jours[1],
Sans penser bien ni mal dors ou rêves toujours,
            Fièrement troussée à l’antique,
Toi que depuis dix ans qui pour moi se font lents
Ma bouche bien apprise aux baisers succulents
            Choya d’un amour monastique.

Prêtresse de débauche et ma sœur de plaisir,
Qui toujours dédaignas de porter et nourrir
            Un homme en tes cavités saintes,
Tant tu crains et tu fuis le stigmate alarmant
Que la vertu creusa de son soc infamant
            Au flanc des matrones enceintes.


[Élégie refusée aux jeux floraux[2].]

Mes bottes, pauvres fleurs, sur leurs tiges fanées,
Dans un coin, tristement, gisaient, abandonnées,
           Veuves des soins du décrotteur.
Les jours étaient passés où mon âme ravie
Les voyait recouvrer leur éclat et leur vie,
           Sous le pinceau réparateur.

  1. La Renaissance latine, 15 décembre 1902. Ces vers, signés B. D., et publiés par le Dr M. Laffont, sont écrits « au verso d’une feuille d’album où se trouve une poésie de Pierre Dupont, également inédite, que le grand chansonnier de Lyon, dédie, le 18 octobre 1844, comme « essai de plume » à Edward Hanquet, le philosophe ».
  2. La Gironde littéraire, 15 avril 1888.