Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/134

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Cet artiste, doué d’une merveilleuse faculté d’analyse, arrivait souvent, par une heureuse concurrence de petits moyens, à des résultats d’un effet puissant. — S’il esquivait trop le détail de la ligne, et se contentait souvent du mouvement ou du contour général, si parfois ce dessin frisait le chic, — le goût minutieux de la nature, étudiée surtout dans ses effets lumineux, l’avait toujours sauvé et maintenu dans une région supérieure.

Si M. Decamps n’était pas précisément un dessinateur, dans le sens du mot généralement accepté, néanmoins il l’était à sa manière et d’une façon particulière. Personne n’a vu de grandes figures dessinées par lui ; mais certainement le dessin, c’est-à-dire la tournure de ses petits bonshommes, était accusé et trouvé avec une hardiesse et un bonheur remarquables. Le caractère et les habitudes de leurs corps étaient toujours visibles ; car M. Decamps sait faire comprendre un personnage avec quelques lignes. Ses croquis étaient amusants et profondément plaisants. C’était un dessin d’homme d’esprit, presque de caricaturiste ; car il possédait je ne sais quelle bonne humeur ou fantaisie moqueuse, qui s’attaquait parfaitement aux ironies de la nature : aussi ses personnages étaient-ils toujours posés, drapés ou habillés selon la vérité et les convenances et coutumes éternelles de leur individu. Seulement il y avait dans ce dessin une certaine immobilité, mais qui n’était pas déplaisante et complétait son orientalisme. Il prenait d’habitude ses modèles au