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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/137

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un farniente d’ombres indéfinissables. Au milieu de cette nature saisissante, s’agitaient ou rêvaient de petites gens, tout un petit monde avec sa vérité native et comique.

Les tableaux de M. Decamps étaient donc pleins de poésie, et souvent de rêverie ; mais là où d’autres, comme Delacroix, arriveraient par un grand dessin, un choix de modèle original ou une large et facile couleur, M. Decamps arrivait par l’intimité du détail. Le seul reproche, en effet, qu’on lui pouvait faire, était de trop s’occuper de l’exécution matérielle des objets ; ses maisons étaient en vrai plâtre, en vrai bois, ses murs en vrai mortier de chaux ; et devant ces chefs-d’œuvre l’esprit était souvent attristé par l’idée douloureuse du temps et de la peine consacrés à les faire. Combien n’eussent-ils pas été plus beaux, exécutés avec plus de bonhomie !

L’an passé, quand M. Decamps, armé d’un crayon, voulut lutter avec Raphaël et Poussin, — les flâneurs enthousiastes de la plaine et de la montagne, ceux-là qui ont un cœur grand comme le monde, mais qui ne veulent pas pendre les citrouilles aux branches des chênes, et qui adoraient tous M. Decamps comme un des produits les plus curieux de la création, se dirent entre eux : « Si Raphaël empêche Decamps de dormir, adieu nos Decamps ! Qui les fera désormais ? — Hélas ! MM. Guignet et Chacaton. »

Et cependant M. Decamps a reparu cette année avec des choses turques, des paysages, des tableaux de