bien que lui le portrait de votre mère, de votre ami, de votre maîtresse. L’audace de celui-ci est toute particulière, et combinée avec une telle ruse, qu’il ne recule devant aucune laideur et aucune bizarrerie : il a fait la redingote de M. Molé ; il a fait le carrick de Cherubini ; il a mis dans le plafond d’Homère, — œuvre qui vise à l’idéal plus qu’aucune autre, — un aveugle, un borgne, un manchot et un bossu. La nature le récompense largement de cette adoration païenne. Il pourrait faire de Mayeux une chose sublime.
La belle Muse de Cherubini est encore un portrait. Il est juste de dire que si M. Ingres, privé de l’imagination du dessin, ne sait pas faire de tableaux, au moins dans de grandes proportions, ses portraits sont presque des tableaux, c’est-à-dire des poëmes intimes.
Talent avare, cruel, coléreux et souffrant, mélange singulier de qualités contraires, toutes mises au profit de la nature, et dont l’étrangeté n’est pas un des moindres charmes ; — flamand dans l’exécution, individualiste et naturaliste dans le dessin, antique par ses sympathies et idéaliste par raison.
Accorder tant de contraires n’est pas une mince besogne : aussi n’est-ce pas sans raison qu’il a choisi pour étaler les mystères religieux de son dessin un jour artificiel et qui sert à rendre sa pensée plus claire, — semblable à ce crépuscule où la nature mal éveillée nous apparaît blafarde et crue, où la campagne se révèle sous un aspect fantastique et saisissant.
Un fait assez particulier et que je crois inobservé