Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/168

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leur goût pour Scribe et Horace Vernet, ils me répondirent : « Nous admirons profondément Horace Vernet comme le représentant le plus complet de son siècle. » — À la bonne heure !

On dit qu’un jour M. Horace Vernet alla voir Pierre de Cornélius ; et qu’il l’accabla de compliments. Mais il attendit longtemps la réciprocité ; car Pierre de Cornélius ne le félicita qu’une seule fois pendant toute l’entrevue, — sur la quantité de champagne qu’il pouvait absorber sans en être incommodé. — Vraie ou fausse, l’histoire a toute la vraisemblance poétique.

Qu’on dise encore que les Allemands sont un peuple naïf !

Bien des gens, partisans de la ligne courbe en matière d’éreintage, et qui n’aiment pas mieux que moi M. Horace Vernet, me reprocheront d’être maladroit. Cependant il n’est pas imprudent d’être brutal et d’aller droit au fait, quand à chaque phrase le je couvre un nous, nous immense, nous silencieux et invisible, — nous, toute une génération nouvelle, ennemie de la guerre et des sottises nationales ; une génération pleine de santé, parce qu’elle est jeune, et qui pousse déjà à la queue, coudoie et fait ses trous, — sérieuse, railleuse et menaçante[1]!




  1. Ainsi l’on peut chanter devant toutes les toiles de M. Horace Vernet :
    Vous n’avez qu’un temps à vivre,
    A mi, passez-le gaiment.
    Gaieté essentiellement française.