Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/185

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cette privation volontaire, ne peuvent pas ajouter à sa gloire.

En général, l’influence ingriste ne peut pas produire de résultats satisfaisants dans le paysage. La ligne et le style ne remplacent pas la lumière, l’ombre, les reflets et l’atmosphère colorante, — toutes choses qui jouent un trop grand rôle dans la poésie de la nature pour qu’elle se soumette à cette méthode.

Les partisans contraires, les naturalistes et les coloristes, sont bien plus populaires et ont jeté bien plus d’éclat. Une couleur riche et abondante, des ciels transparents et lumineux, une sincérité particulière qui leur fait accepter tout ce que donne la nature, sont leurs principales qualités : seulement, quelques-uns d’entre eux, comme M. Troyon, se réjouissent trop dans les jeux et les voltiges de leur pinceau. Ces moyens, sus d’avance, appris à grand’peine et monotonement triomphants, intéressent le spectateur quelquefois plus que le paysage lui-même. Il arrive même, en ces cas-là, qu’un élève inattendu, comme M. Charles Le Roux, pousse encore plus loin la sécurité et l’audace ; car il n’est qu’une chose inimitable, qui est la bonhomie.

M. Coignard a fait un grand paysage d’une assez belle tournure, et qui a fort attiré les yeux du public ; — au premier plan, des vaches nombreuses, et, dans le fond, la lisière d’une forêt. Les vaches sont belles et bien peintes, l’ensemble du tableau a un bon aspect ; mais je ne crois pas que ces arbres soient assez vigoureux pour supporter un pareil ciel. Cela fait supposer que si