Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grande ville, — criminels et filles entretenues, — la Gazette des Tribunaux et le Moniteur nous prouvent que nous n’avons qu’à ouvrir les yeux pour connaître notre héroïsme.

Un ministre, harcelé par la curiosité impertinente de l’opposition, a-t-il, avec cette hautaine et souveraine éloquence qui lui est propre, témoigné, — une fois pour toutes, — de son mépris et de son dégoût pour toutes les oppositions ignorantes et tracassières, — vous entendez le soir, sur le boulevard des Italiens, circuler autour de vous ces paroles : « Etais-tu à la Chambre aujourd’hui ? as-tu vu le ministre ? N… de D… ! qu’il était beau ! je n’ai jamais rien vu de si fier ! »

Il y a donc une beauté et un héroïsme modernes !

Et plus loin : « C’est K. — ou F. — qui est chargé de faire une médaille à ce sujet ; mais il ne saura pas la faire ; il ne peut pas comprendre ces choses-là ! »

Il y a donc des artistes plus ou moins propres à comprendre la beauté moderne.

Ou bien : « Le sublime B… ! Les pirates de Byron sont moins grands et moins dédaigneux. Croirais-tu qu’il a bousculé l’abbé Montès, et qu’il a couru sus à la guillotine en s’écriant : « Laissez-moi tout mon courage ! »

Cette phrase fait allusion à la funèbre fanfaronnade d’un criminel, d’un grand protestant, bien portant, bien organisé, et dont la féroce vaillance n’a pas baissé la tête devant la suprême machine !