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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/207

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un fait assez curieux qui pourra leur fournir matière à de tristes réflexions. Cette exposition est faite au profit de la caisse de secours de la société des artistes, c’est-à-dire en faveur d’une certaine classe de pauvres, les plus nobles et les plus méritants, puisqu’ils travaillent au plaisir le plus noble de la société. Les pauvres — les autres — sont venus immédiatement prélever leurs droits. En vain leur a-t-on offert un traité à forfait ; nos rusés malingreux, en gens qui connaissent les affaires, présumant que celle-ci était excellente, ont préféré les droits proportionnels. Ne serait-il pas temps de se garder un peu de cette rage d’humanité maladroite, qui nous fait tous les jours, pauvres aussi que nous sommes, les victimes des pauvres ? Sans doute la charité est une belle chose ; mais ne pourrait-elle pas opérer ses bienfaits, sans autoriser ces razzias redoutables dans la bourse des travailleurs ?

— Un jour, un musicien qui crevait de faim organise un modeste concert ; les pauvres de s’abattre sur le concert ; l’affaire étant douteuse, traité à forfait, deux cents francs ; les pauvres s’envolent, les ailes chargées de butin ; le concert fait cinquante francs, et le violoniste affamé implore une place de sabouleux surnuméraire à la cour des Miracles ? — Nous rapportons des faits ; lecteur, à vous les réflexions.

La classique exposition n’a d’abord obtenu qu’un succès de fou rire parmi nos jeunes artistes. La plupart de ces messieurs présomptueux, — nous ne voulons pas les nommer, — qui représentent assez bien dans