Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/274

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je crois, antipathique à sa nature. Eh bien, il est un exemple qui prouve que l’imagination, quoique non servie par la pratique et la connaissance des termes techniques, ne peut pas proférer de sottises hérétiques en une matière qui est, pour la plus grande partie, de son ressort. Récemment je me trouvais dans un wagon, et je rêvais à l’article que j’écris présentement ; je rêvais surtout à ce singulier renversement des choses qui a permis, dans un siècle, il est vrai, où, pour le châtiment de l’homme, tout lui a été permis, de mépriser la plus honorable et la plus utile des facultés morales, quand je vis, traînant sur un coussin voisin, un numéro égaré de l’Indépendance belge. Alexandre Dumas s’était chargé d’y faire le compte rendu des ouvrages du Salon. La circonstance me commandait la curiosité. Vous pouvez deviner quelle fut ma joie quand je vis mes rêveries pleinement vérifiées par un exemple que me fournissait le hasard. Que cet homme, qui a l’air de représenter la vitalité universelle, louât magnifiquement une époque qui fut pleine de vie, que le créateur du drame romantique chantât, sur un ton qui ne manquait pas de grandeur, je vous assure, le temps heureux où, à côté de la nouvelle école littéraire, florissait la nouvelle école de peinture : Delacroix, les Devéria, Boulanger, Poterlet, Bonington, etc., le beau sujet d’étonnement ! direz-vous. C’est bien là son affaire ! Laudator temporis acti ! Mais qu’il louât spirituellement Delacroix, qu’il expliquât nettement le genre de folie de ses adversaires, et qu’il allât plus loin même, jus-