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petit livre de M. Edouard Fournier comme une source inépuisable de sujets. Revêtir des costumes du passé toute l’histoire, toutes les professions et toutes les industries modernes, voilà, je pense, pour la peinture, un infaillible et infini moyen d’étonnement. L’honorable érudit y prendra lui-même quelque plaisir.

Il est impossible de méconnaître chez M. Gérome de nobles qualités, dont les premières sont la recherche du nouveau et le goût des grands sujets ; mais son originalité (si toutefois il y a originalité) est souvent d’une nature laborieuse et à peine visible. Froidement il réchauffe les sujets par de petits ingrédients et par des expédients puérils. L’idée d’un combat de coqs appelle naturellement le souvenir de Manille ou de l’Angleterre. M. Gérome essayera de surprendre notre curiosité en transportant ce jeu dans une espèce de pastorale antique. Malgré de grands et nobles efforts, le Siècle d’Auguste, par exemple, — qui est encore une preuve de cette tendance française de M. Gérome à chercher le succès ailleurs que dans la seule peinture, — il n’a été jusqu’à présent, et ne sera, ou du moins cela est fort à craindre, que le premier des esprits pointus. Que ces jeux romains soient exactement représentés ; que la couleur locale soit scrupuleusement observée, je n’en veux point douter ; je n’élèverai pas à ce sujet le moindre soupçon (cependant, puisque voici le rétiaire, où est le mirmillon ?) ; mais baser un succès sur de pareils éléments, n’est-ce pas jouer un jeu, sinon déloyal, au moins dangereux, et susciter